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Les Nappys : un mode de vie empreint de revendications?

Photo du rédacteur: CoumanCouman

Pourquoi cet intérêt sur le sujet ?

Pour le choix du thème , je me suis naturellement tourné vers les « Nappys » car c'est quelque chose que je connais bien mais de manière superficielle. Dans mon enfance j'ai moi même connu ces problématiques concernant mes cheveux, qui sont naturellement frisés, très frisés. Plus jeune, ma maman nous coiffait, avec des nattes principalement. En grandissant, elle nous a fait des défrisages, ce que l'on aimait beaucoup ma sœur et moi. Une fois le moment arrivé, où ce n'est plus la maman qui coiffe, mais à nous même de le faire, les problèmes commencent. J'ai arrêté les défrisages mais je continuais à les lisser au fer, très fréquemment. Sinon, il était coiffé en chignon, ou en pompom. Je ne les assumait pas vraiment. J'avais aussi cette idée de beauté suprême que représentait le cheveu une fois lissé. Le plus paradoxale, c'est que ce sont mes amis « blancs », qui me faisaient toujours des compliments sur mes cheveux naturels et qui insistaient pour les voir plus souvent. Arrivée à la fac, je ne lâchais toujours pas mon chignon. Un jour, je suis venu avec mes cheveux détachés, frisés et je n'ai eu que des compliments, ça a été un déclic. Depuis, je les assumes, pas totalement encore, mais beaucoup mieux. J'alterne entre lissage, chignon, tresses, cheveux détachés... Il fallait que je puisse coiffer, prendre soin de cette chevelure qui m'était un peu étrangère. Ce n'est pas vers ma maman ou mes tantes que je me suis tournée pour avoir des conseils concernant les produits à utiliser, les bons salons, la manière d'appliquer les soins … J'ai d'ailleurs une anecdote avec une de mes tantes (Ivoirienne vivant en France), qui m'a dit, lors d'un mariage, auquel j'étais venue coiffée au naturel, c'est à dire avec ma touffe, que «ça ce n'est pas une coiffure, c'est joli, mais c'est bien pour les artistes seulement ». Cette remarque m'a dérangé, car ce n'est pas une coiffure, ce sont mes cheveux au naturel, c'est moi. De plus, ce qui me dérange c'est que ce soit une tante de Côte d'Ivoire qui me dise ça. C'est représentatif des idéaux de tout un peuple, les « africains », qui renient, dévalorise ce qui fait parti d'eux, ce qui est dans leurs gênes. Pour m'aider à entretenir ma touffe, j'ai donc été sur internet, et je suis tombée sur des blogs, des vidéos Youtube de femme, pour la plupart « Nappy », délivrant des conseils, des avis, pour les femmes aux cheveux naturels. Voilà pourquoi mon choix s'est arrêté sur ce sujet. Notre société évolue mais la bataille est encore loin d'être gagné, les « noirs » et les « blancs » ont intériorisé des stigmates, des idéaux esthétiques, ce qui fait que des deux côtés, le naturel est difficilement accepté. Mais le problème a été beaucoup mis en lumière depuis quelques années, les médias se sont emparés du phénomène « Nappy », ainsi que les grandes enseignes. De plus en plus, nous voyons à la télévision, dans des magasines, des femmes et des hommes aux cheveux naturels. Les produits, jusqu'alors inadapté, des grandes enseignes, se retrouvent à être adapté aux cheveux afro et frisés. De plus ; les « africains » eux mêmes, ont su mettre à profit cet enthousiasme vis à vis de ce mouvement, en créant leurs propres business, tel que des marques cosmétiques, des salons spécialisés pour les cheveux naturels, des applications pour se faire coiffer à domicile, tel que « nappyme ». On trouve bon nombre de conseils, de produits, d'idées pour gérer notre chevelure, mais le sujet, pour l'instant n'a pas été étudier. Les médias parlent de ce « phénomène » comme d'une mode mais moi je veux aller plus loin. Je veux connaître sa construction, les revendications liées à ce mouvement. Il faut le contextualiser .


Introduction

De plus en plus de femmes noires, métissées et maghrébines, ont décidé de laisser les lissages, les tissages, les défrisages, pour laisser place à leurs cheveux crépus ou frisés. Avant toute chose, il est nécessaire de définir le terme « nappy » , ainsi que le mouvement qui en découle. Le « nappysme » est un mouvement né aux États-Unis, en 1960, et qui, depuis peu, a pris une grande ampleur en Europe et en Afrique, notamment grâce à internet et ses réseaux sociaux. « Nappy » vient de « natural » et « happy » (« naturelle » et « heureuse »). Beaucoup de blogueuses, de Youtubeuse, se considérant comme « nappy », délivre des conseils pour les femmes ayant la volonté de revenir au naturel. Derrière ce qui s’apparente à une mode, un phénomène, purement esthétique, se cache une quête identitaire. Au delà de la libération capillaire, il y a une libération de la femme noire, une émancipation. Le mouvement conquière de plus en plus de femmes. Et il est de plus en plus visible, à la télévision, dans les magazines... Mais, paradoxalement, en Afrique, il est beaucoup moins présent. L'afro est assimilée à une coiffure négligée. De plus, il y a un statut social lié à la chevelure. Si la femme porte des cheveux de qualités, c'est qu'elle a un meilleur statut. Il est nécessaire de faire un parallèle avec l’esclavage et le colonialisme. L’aliénation des femmes noires et des hommes noires est étroitement liée à ça. Juliette Sméralda, dira : "Se défriser, c’est faire la preuve de son aptitude à devenir un sujet socialement adapté (…) au modèle occidental" (2005). En quoi être Nappy, c'est être fier d'être ce que l'ont est, noir et fier, métisse et fier ou maghrébin et fier.


Cadre théorique

La pilosité est un trait visible qui permet de différencier les hommes et plus particulièrement, de classifier les « races ». Il y a avaient, selon les anthropologues, trois grands groupes : les leiotriches (cheveux rectilignes – les asiatiques), les cymotriches ( cheveux plus ou moins ondulés – les blancs) et les ulotriches (cheveux enroulés en spirales – les noirs ( Bromberger, 2010 p.115). Les peuples se sont emparés de ces caractéristiques pour distinguer et stigmatiser. Pendant le contexte esclavagiste et colonial, il y a eu une dévalorisation esthétique des noirs.. Peter A. Brown, a dit en 1850 que l'homme noir n'était pas de la même espèce que le blanc car il a de la laine sur la tête. Il y a un stéréotype qui est que le blanc est civilisé et le noir est arriéré. Pourtant, il n 'y a pas de hiérarchies de cultures, elles sont toutes légitimes. Il y a une forme d'arrogance et d'ethno centrisme racial chez les blancs, quand ils affirment que le noir à tout à gagner en laissant sa culture pour la leur. Ils n'ont pas eu à faire les mêmes taches. Chaque cultures trouve une résolution à un problème donné. Pour comprendre les cultures, il ne faut pas es regarder avec arrogance. L'ethnocentrisme culturel mène au génocide culturel.


Constructions sociales

Les noires et les maghrébins ont intériorisé l'interdit de porter leurs cheveux au naturel. Rokhaya Diallo, parle de « être noir avec modération » (Afro, 2015, préface). Lorsque deux jeunes femmes afro américaines sont surprises de voir Christianne Taubira, une femme haut placée, porter des nattes, sans rajouts, où qu'un petit garçon qui rencontre monsieur Obama, demande a toucher ses cheveux car il est tout autant surpris de voir un homme avec les mêmes cheveux que lui, à cette place, cela posé question.


Quelles sont les pratiques et les comportements qui engendrent le rejet du cheveux naturel ?

Le défrisages

Le défrisage des cheveux n’est pas seulement esthétique mais bien politique. Dans son ouvrage « Du cheveu défrisé au cheveu crépu » (2012), Juliette Sméralda tente une analyse de cette pratique et nous offre des récits de femmes et d'hommes des Antilles. Ce qui est intéressant, c'est que les femmes racontent avoir brûlé, lissé, défrisé leurs cheveux car elles ne les trouvaient pas beau, les membres de la famille ne les trouvaient pas beau, et les garçons critiquaient constamment ces cheveux naturels. Et les hommes avoues, avec regret maintenant, avoir dévalorisé cette chevelure qui finalement, est aussi la leur. Les femmes étaient appelées « Kas en fé o moto a-w » ( casque en fer où est ta moto?), de « jex » ou de « paillasse ». Les « mamans », c'est à dire, les femmes plus âgés qualifiaient les enfants de « bien sortis » suivant que leur peau était clair et leur cheveux plus ou moins lisses.


Pratiques culturelles aliénantes

« Les cheveux sont des cheveux cependant ils portent sur des questions plus larges : l'acceptation de soi, l'insécurité, et ce que le monde considère comme beau. Pour de nombreuses femmes noires, l'idée de porter leurs cheveux au naturel est insupportable » Chimananda Ngozi Adichie (The guardian, 2013). Les femmes noires sont les seules femmes qui dans la majorité, dénaturent leurs cheveux. Elles sont victimes de préjugés et de stigmates mais elles les produisent elles mêmes, dans le sens où elles renvoient cette image là aux autres. Les « non africains » ( terme que j'utiliserais pour parler de ceux qui n'ont pas les cheveux crépus et qui ne sont pas d’ascendance africaine), ont une image fossé de la beauté « africaine » car ce qu'ils voient ce sont des perruques lisses, ondules, des rajouts, des cheveux brûlés et lissés par les produits chimiques et les appareils chauffant, mais pas le cheveux naturel. Certains ne savent même pas à quoi ressemble les cheveux de leurs ami(e)s, car elles s'arrangent pour ne le montrer que dans l'intimité de leur foyer. Le jour où elles doivent changer de coiffure, elles portent un foulard et vont vite chez le coiffeur.


Une évolution des critères de beautés et combats politiques

Une reconnaissance du cheveux naturel

Les « Nappys » veulent être égaux en droit mais aussi au niveau de la beauté. Le fait de ne plus rien faire à leurs cheveux est un acte de militantisme. Ils essayent de former leurs propres canons de beautés. Angela Davis (née en 1944 à Birmingham en Alabama, est une militante des droits de l'homme, professeur de philosophie et militante communiste) est un emblème de ce combat politique et esthétique. Le trait physique qui a été stigmatisé est réapproprié par la communauté. Rokhaya Diallo, explique que dans son ouvrage Afro, elle ne cherche pas à stigmatiser les pratiques de défrisage, lissage etc... mais à l'inverse, à mettre en avant les « cheveux souvent masqués et à la texture niée », « pour qu'ils trouvent une place dans l'imaginaire collectif » ( Afro, 2015, préface) Le changement est récent dans l'espace public. Désormais , on voit apparaître des figures à la télévision, dans les magazines etc. Lupita Nyong'o, actrice mexicaine kényane a ébloui le monde avec son crâné rasé, elle est devenue une figure pour de nombreuses femmes. Solange Knowles, qui est une chanteuse afro américaine en est une autre. En France, on peut citer Inna Modja, qui est une chanteuse malienne. Elle a écrit des textes sur le sujet, ainsi que la chanteuse Casey. Le Conseil Consultatif pour la Valorisation du Cheveu Crépu en France a récemment été créé. Son objectif est de fédérer tous les acteurs de l'univers Français du cheveu crépu au naturel, afin d'assurer des missions et des démarches dans l'intérêt du grand public. Il réalise des campagnes destinés à valoriser le peuple d'afro-ascendance, des tables rondes pour mobiliser le plus grand nombre et proposer à toutes les forces vives et conscientes un travail collectif, d'échanges et de solutions en faveur des réalités individuelles de l'univers du cheveu crépu et des permanences (Juridique, Estime de soi, Préparation aux entretiens et Comptable )


Quête identitaire

Dans les années 60, il y a des émeutes pour l'égalité sociale et économique. Les artistes chantent leur fierté d'être noir et ils incitent leur public à se revendiquer comme tel. Engagement et soul music deviennent associé. Les paroles de chansons sont récrites sur les murs, sur des t-shirt. Les chansons reprennent les grandes lignes des discours politiques et incitent la communauté à entrer en résistance. Les textes ne sont pas comme ceux du « Black Power » mais les images en sont tout autant explicites et il y a une phraséologie et une prononciation typique du ghetto ( l'usage est donc intracommunautaire). Il y a une volonté de construire une communauté afro américaine. La culpabilité du noir, instaurée par l'acculturation, est abandonnée. C'est aux Noirs d'adapter leurs cultures. Ils en prennent conscience, et il y a une tendance africanisant, une recherche de ressourcement.... Ce qui est, en quelque sorte, opposé à l'assimilation. On observe un retour du cheveux crépus, des coiffures dites « primitives , des habits traditionnels... Les peuples Noirs avaient « oublié » ce qui faisait leur beauté. Ils doivent se redécouvrir et sortir des archétypes des blancs, de leurs normes universelles. Apparition du mouvement « Black consciousness » en Afrique du Sud ( prise de conscience du fait Noir).

Il y a un paradoxe : les noirs assument un des dogmes de l'apartheid. Des organisations comme la « South African Students Organization », cherchent à impliquer les Noirs dans un effort « auto libérateur ». On voit naître un « Populisme noir » : création d'écoles noires, de théâtre noir...




sources:

  • BONNET, Valérie « Revendication et politiques en paroles : chansons de la communauté noire américaine », Mots. Les langages du politique [En ligne], 70 | 2002, mis en ligne le 07 mai 2008, consulté le 05 avril 2017. URL : http://mots.revues.org/9383

  • BONNIOL, Jean-Luc. Beauté et couleur de la peau. In: Communications, 60, 1995. Beauté, laideur, sous la direction de Véronique Nahoum-Grappe et Nicole Phelouzat-Perriquet. pp. 185-204.

  • DIALLO, Rokhaya. Afro !, Paris, Les Arènes, 2015. 250 p.

  • FOUQUET Thomas, « Construire la blackness depuis l’Afrique, un renversement heuristique », Politique africaine, 4/2014 (N° 136), p. 5-19.

  • GINIEWSKI Paul. Civilisation blanche et culture noire. In: Politique étrangère, n°3 - 1975 - 40ᵉannée. pp. 307-328.

  • MAUCERI, Thomas, réal. Mouton noir . Vivement Lundi !, 2008. DVcam , 52' Titre de la collection.

  • SMERALDA, Juliette. Du cheveu défrisé au cheveu crépu. Paris, Editions Publibook , collection EPU, sciences humaines et sociales, 2012, 148 p

  • BROMBERGER, Christian. Trichologiques. Une anthropologie des cheveux et des poils. Montrouge, Bayard Editions. 2010, 256 p

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